Volatilité et perspectives : bilan du premier trimestre 2025

Une économie américaine sous pression avec le passage de la tornade Trump …

Alors que l’activité économique américaine faisait preuve de résilience et semblait amorcer 2025 sous de bons augures, les machinations de l’Administration Trump ont semé un vent d’incertitude pesant sur l’ensemble des acteurs économiques américains et faisant redouter une récession. En effet, alors que les Etats-Unis affichaient en début d’année des indicateurs avancés positifs –dépassant même les attentes – et un marché du travail solide, le constat est tout autre à fin mars. Les différentes données font désormais état d’une prudence de la part des ménages avec une progression de la consommation plus modeste qu’attendue, une hausse du taux d’épargne et des indices de confiance en berne, conséquences directes des menaces du président américain sur l’application des tarifs douaniers.

Dans la continuité de son premier mandat, et tout au long du trimestre, D. Trump a fait pleuvoir les déclarations sur le thème du commerce international, l’apogée ayant été atteint lors de son « Libération Day » ayant eu lieu le 2 avril au cours duquel il a lancé une offensive commerciale sans équivalent depuis les années 1930. Son objectif ? Rééquilibrer la balance commerciale afin d’encourager la production domestique et rééquilibrer ce qu’il considère être des relations commerciales injustes et qui serviront à « financer des réductions d’impôts en ouvrant la voie à un nouvel âge d’or américain avec la création d’emplois manufacturiers ». Ainsi, c’est un droit de douane universel, de 10% minimum, qui est imposé, agrémenté d’une surtaxation pour les pays jugés hostiles en matière commerciale. Et si aucun pays n’est épargné certains sont bien plus impactés que d’autres avec des droits de douane « réciproques » jusqu’à 50% (comme le Vietnam).  Pour la Chine, la note est salée avec une nouvelle taxe de 34% – qui s’ajoute aux 20% de droits de douane additionnels déjà introduits – tandis que l’Union Européenne va voir ses marchandises se faire taxer à hauteur de 20%, le marché automobile européen faisant l’objet d’une surtaxe de 25%. Si certains pays ont d’ores et déjà prévu de contre-attaquer, comme le Canada ou la Chine, ayant elle-même annoncé une riposte à hauteur de 34% le surlendemain, d’autres pays comptent jouer le jeu des négociations dans l’espoir de limiter la casse, d’autres enfin, à l’instar de l’Australie, ont décidé de ne pas répliquer, souhaitant éviter une surenchère. Du côté de l’UE, Ursula Von Der Leyen adopte une position ferme mais mesurée : si elle privilégie la voie de la négociation, elle a d’ores et déjà commencé à préparer une série de contre-mesures pour protéger les intérêts européens.

Il est toutefois important de mentionner que bien que ces annonces aient fait l’effet d’une bombe sur les places boursières mondiales, le gouvernement Trump a indiqué qu’il s’agirait du maximum de ce qui serait appliqué, ouvrant ainsi la voie aux négociations bilatérales. L’objectif était de frapper fort, mais aussi d’ajuster son action selon la réponse que donneront les différents partenaires commerciaux et les concessions que chaque partie réussira à tolérer.

Ainsi, en raison de l’environnement économique peu lisible qu’ont engendré ses allégations, il n’est pas anormal de constater des signes de dégradation de la confiance des ménages et des entreprises. L’indice de confiance des consommateurs de l’université du Michigan a ainsi atteint son niveau le plus bas depuis 2022 et de nombreuses entreprises rétropédalent et ajustent à la baisse leurs prévisions pour cette année. Il en va d’ailleurs de même pour la Réserve Fédérale (FED) qui a, lors de ses dernières mises à jour des prévisions économiques, fait état de perspectives d’activités moins optimistes, en revoyant notamment à la baisse ses anticipations sur la croissance du PIB et à la hausse celle concernant l’inflation sous-jacente.

… Tandis que l’Europe surf sur une vague d’optimisme et de bons chiffres.

A contrario, en Europe, la situation économique montre des signes d’amélioration, le PMI composite de la zone euro repassant en territoire d’expansion et confirme ainsi le redémarrage de l’activité, en grande partie grâce au rebond du secteur manufacturier. Bien que ce dernier soit toujours en territoire de contraction, il s’inscrit en hausse et dépasse même les attentes.

Contrairement à la situation américaine, c’est un vent d’optimisme qui souffle sur l’Europe, les indices reflétant les anticipations sur l’activité retrouvent ainsi de la hauteur. Outre des chiffres économiques de bonne facture, deux éléments majeurs peuvent expliquer ce regain de positivisme. En premier lieu on peut ainsi mentionner les deux baisses de taux initiées par la Banque Centrale Européenne (BCE), mais aussi et surtout, le déblocage de l’environnement politique allemand. Alors qu’avaient lieu en février dernier les élections législatives, qui ont porté à la victoire le CDU/CSU de Friedrich Merz, ce dernier n’a pas perdu de temps et a d’ores et déjà réussi à faire passer la réforme du frein à l’endettement, inscrite dans la constitution allemande, mais aussi à créer un nouveau fonds spécial de 500Mds€ dédié au financement des infrastructures et au climat. Outre le fait de relancer la machine économique allemande, on peut aussi s’attendre à ce que ce nouveau plan soit également bénéfique à l’Europe, plus largement.

En Chine aussi le contexte général semble plus favorable

De bonnes nouvelles sont aussi à noter du côté de l’activité économique chinoise, malgré l’intensification de la guerre commerciale qui a cependant un impact moindre qu’initialement attendu. En effet, suite au 1er mandat de D. Trump, la Chine a considérablement diminué sa dépendance commerciale aux Etats-Unis, diversifiant davantage ses chaînes d’approvisionnement. En parallèle, l’Assemblée nationale populaire a annoncé sa feuille de route économique pour 2025 et maintient son objectif de croissance à 5%, le Premier Ministre déclarant également que la stimulation vigoureuse de la consommation serait son cheval de guerre cette année, de quoi soutenir les marchés chinois.

Des banques centrales de nouveau asynchronisées

Alors qu’en Europe, le contexte économique relativement favorable, facilite la tâche de la BCE, la FED, quant à elle, doit faire face au gouvernement Trump dont lui seul semble voir les effets bénéfiques du protectionnisme qu’il cherche à appliquer. Le mouvement de baisse des taux ainsi initialement engagé par la BCE l’année dernière s’est poursuivi cette année, l’institution opérant deux baisses de 25 points de base en janvier et en mars, portant ainsi le taux de dépôt à 2%. Christine Lagarde, la présidente de la BCE s’est estimée satisfaite des niveaux actuels de ses taux ainsi que du processus de désinflation tout en mettant en garde contre les potentielles retombées négatives des tensions commerciales internationales sur l’inflation. C’est pourquoi elle a décidé de revenir à son approche basée sur les données économiques, qui permettra au Conseil des Gouverneurs d’acter ou non des baisses de taux supplémentaires au fur et à mesure des réunions de politique monétaire.

Du côté de la FED, et à la suite des réunions du FOMC, les taux sont demeurés inchangés ce trimestre. Jerome Powell s’est effectivement dit préoccupé quant aux politiques commerciales et migratoires de Trump ainsi que de ses répercussions potentielles sur l’inflation. Cette dernière restant « quelque peu élevée », les membres du FOMC considèrent que le contexte justifie une approche prudente et qu’il faudra attendre un ralentissement marqué de l’économie pour que la FED reprenne ses baisses de taux. En effet, J. Powell estime que la résilience de l’économie américaine et la solidité du marché du travail laissent une marge de manœuvre suffisante pour leur permettre d’appréhender les effets de la politique du gouvernement Trump sur l’économie. Ainsi, même si selon lui il n’y a pas d’urgence a abaisser les taux, les investisseurs ont tout de même trouvé du réconfort dans le fait que l’institution ait maintenu son objectif de deux baisses de taux pour cette année, bien que des divergences de stratégies apparaissent entre les membres du FOMC.

Le facteur géopolitique toujours central

Vous l’aurez ainsi constaté, la sphère géopolitique et politique joue toujours un rôle prépondérant sur l’économie, que ce soit via les répercussions directes qu’elle engendre sur l’activité, la perception des ménages, des entreprises et institutions financières quant aux perspectives et donc leurs réponses comportementales en termes de consommation, d’épargne, d’investissement, d’actions, etc.

Ce premier trimestre a été riche en newsflow et tous les citer serait extrêmement chronophage mais les principaux que nous pouvons mentionner, et qui ont déjà été abordés antérieurement dans cette note, sont bien sûr la politique migratoire et commerciale de Trump, qui a fait couler beaucoup d’encre – et qui risque de perdurer encore un certain temps – et la victoire du CDU/CSU aux élections législatives allemandes, qui devraient porter Friedrich Merz au poste de chancelier. Sa victoire est une bonne nouvelle puisqu’elle a permis de bloquer au parti d’extrême droite, l’AfD, l’accession au pouvoir. Pour autant, la tâche de F. Merz est loin de s’avérer aisée puisqu’avec 28.5% des suffrages il devra s’attacher à sécuriser une coalition pour s’assurer une majorité confortable au Bundestag. Cet obstacle, ne l’a pourtant pas empêché de réaliser une avancée majeure sur le terrain du mécanisme de la dette, en s’alliant avec le SPD et les Verts, un sujet pourtant complexe qui faisait l’objet de nombreuses discordes entre les différents partis.

Toujours en Europe, ce sont les discussions autour d’un cessez le feu entre la Russie et l’Ukraine qui ont animé moult débats ces derniers mois. Tandis que de nombreux enjeux semblent se disputer entre les blocs européens, russes et américains, la question divise et reste pour le moment toujours en suspens, les pays n’étant pas alignés quant à la réponse à apporter ou encore aux concessions que les différentes parties sont prêtes à consentir.

Des marchés affichant une volatilité accrue et des performances hétérogènes

Alors que l’on pouvait s’attendre à ce que l’élection de D. Trump soit favorable aux marchés actions américains, ce début d’année a prouvé l’exact inverse, ses différentes prises de paroles et mouvements ayant été davantage porteurs de méfiance que d’optimisme. Ainsi, les marchés américains clôturent en forte baisse sur ce premier trimestre, le S&P reculant de 8.7% et le Nasdaq, plus fortement impacté, perdant 12.2%. A l’inverse, et malgré l’épée de Damoclès que représentent les menaces tarifaires de D. Trump, l’Europe a signé un superbe mois boursier, et ce, en dépit du mois de mars dont la tendance était à la baisse. En tête de classement caracolent les marchés espagnol, italien et allemand, avec des performances comprises entre 10.7% et 12.5%. En retard par rapport à ses voisins, le CAC 40 n’enregistre « que » 5.5% de gain sur la période, tandis que l’indice européen, l’Eurostoxx 50, clôture le trimestre à + 7.2%. Légèrement en recul, l’indice des marchés émergents recule de 2% alors que l’indice hongkongais gagnait pas moins de 11.8%, porté par le désamour des technologies américaines, chèrement valorisées.

La prudence reste de mise mais de belles opportunités sont à aller chercher pour les investisseurs à moyen/long terme

 En raison du manque de visibilité, du fait du caractère imprévisible de D. Trump, qui impacte mondialement les différents acteurs économiques, la prudence reste plus que jamais primordiale. Les marchés actions comme obligataires risquent de rester sous pression dans les semaines et mois à venir. Pour autant, même si le facteur Trump représente une variable génératrice d’incertitude et d’inquiétude, les grandes économies mondiales se montrent, pour le moment, toujours résilientes. Aussi, bien qu’il ne se soit pas dit inquiété à court terme par la volatilité des marchés et le décrochage de ses places boursières domestiques, D. Trump n’aura d’autre choix que d’y être confronté à un moment donné : les élections de mi-mandat aux Etats-Unis auront lieu en novembre 2026 et bien qu’elles ne se tiennent que dans 1 an et demi, il risque de faire face au mécontentement des citoyens américains, très portés sur leurs placements.

Ainsi, ces semaines de volatilités que nous connaissons peuvent être l’occasion de renforcer les positions détenues, notamment sur les actions américaines ayant subi de très fortes dévalorisations depuis le début de l’année et retrouvant une attractivité indéniable dans une optique d’investissement à long terme. Les actions européennes peuvent également être renforcées dans les portefeuilles, les places fortes de la zone ayant rendu une grande partie, voire l’intégralité, des gains réalisés en janvier et février. La diversification reste maîtresse tant les disparités et le manque de visibilité sont prégnants.

Plus que jamais, l’investissement est un marathon d’opportunités, et non un sprint.

Article rédigé par SAPIENTA GESTION.

 

Nos derniers articles